Titre : Le festin nu (Naked lunch)
Année : 1992
Réalisation : David Cronenberg
Avec : Peter Weller, Ian Holm, Judy Davis, Julian Sands, Roy Scheider
William Lee, junkie et dératiseur, est forcé
de fuir le pays après avoir accidentellement tué sa femme, trouvant
refuge en Afrique du Nord. Sur place, il pense être un agent secret
tombé en plein milieu d'une conspiration internationale et commence à
taper des rapports destinés à l'organisation secrète pour laquelle il
travaille. La machine à écrire sur laquelle il travaille s'avère des
plus bavardes...
Adaptation d'un roman (de William Burroghs)
réputé inadaptable, Le Festin nu peut être placé aux côté de
Faux-semblant pour représenter la quintessence du style cronenbergien.
On y retrouve tous ses thèmes de prédilection : l'organique prolongement
de la pensée (Videodrome), découverte d'une zone cérébrale ouvrant un
dédale de possibilités (Dead Zone), sexualité refoulée (Frissons),
métaphysique de la dépression (Chromosome 3) et bien sûr la drogue
(Faux-semblant). Quintessence car ici, tous ces thèmes s'emboîtent à la
perfection, bien guidés par un appui littéraire de qualité mais dont,
finalement, ke réalisateur s'éloigne quelque peu. En effet, les
différences sont assez grandes avec le roman, mais l'important n'était
pas de s'enfermer dans une fidélité qui n'a de sens que pour les fanboys
d'Harry Potter et autres Seigneurs des anneaux, mais de comprendre sa
logique complexe.
En effet, il s'agit certainement du film de
Cronenberg le plus métaphorique. Ici, le meurtre de sa femme, accidentel
ou non, révèle au héros son homosexualité. En la tuant, il se
débarrasse de sa part d'hétéro (n'oublions pas, non plus, qu'il s'agit
d'un fait réel de la vie de l'écrivain Burroughs). Ce meurtre va plonger
William dans une frénésie de drogue, mais pas de cocaïne ou d'héroïne :
sa propre poudre anti-cafard, qui lui ouvre les portes de l'interzone,
un endroit situé en Afrique du Nord où il se retrouve à la solde de
machines à écrire-insecte-anus-pénis lui dictant un rapport. Rapport qui
deviendra le chef-d'oeuvre de l'écrivain : Le Festin Nu.
On peut déjà voir, à ce stade, l'un des coups de maître de Cronenberg :
rapprocher la machine à écrire, l'inspiration, avec la dictée. Toute la
matière du film est là, ça raconte avant tout la dangerosité d'écrire,
le risque que l'on a à s'y perdre au fil du temps, pour se voir
assouvir, au final par un esprit supérieur, qui ne nous appartient pas vraiment, et perdre sa propre
personnalité. A partir de là, Cronenberg en tire une conclusion géniale :
l'imagination est un virus. Et, pour survivre, ce virus a besoin de se
nourrir du mal-hêtre de celui qui le porte, ici le meurtre de sa femme
qui débute la fuite vers l'inspiration et la termine comme pour prévenir
l'enchaînement à venir.
On l'aura compris, ce Festin Nu a une lecture
complexe, mais d'une limpidité étonnante, en rapport avec la qualité
d'exécution du réalisateur. Maniant parfaitement les ambiances
(Interzone isolée, New-York fantasmatique), des cadres de haute volée
(belle lumière) et des SFX, parfois gores, rappelant à quel point
l'animatronic et le maquillage live restera toujours beaucoup plus
persuasif que les CGI, quand on fait appel aux interactions corporels et
aux effets gores en tout cas.
Dernier mot sur le casting, brillant. On y retrouve un Weller tentant de se détacher de son rôle de Robocop. Mais aussi Holm, bien avant d'être le Bilbo du Seigneur des anneaux, et un Schneider qui n'a pas eu besoin d'un plus gros bateau. Un casting solide, pour un film redoutablement efficace et matriciel.
Trailer
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